Guerre et Paix |
War and Peace |
de Léon Tolstoï |
by Leo Tolstoy |
Traduction par Irène Paskévitch |
translated by Louise and Aylmer Maude |
Première Partie
|
Book One
|
C’était la vérité. Pierre n’avait pas eu le loisir de se choisir encore une carrière, par suite de son renvoi de Pétersbourg à Moscou pour ses folies tapageuses. L’histoire racontée chez les Rostow était authentique. Il avait, de concert avec ses camarades, attaché l’officier de police sur le dos de l’ourson ! |
Pierre, after all, had not managed to choose a career for himself in Petersburg, and had been expelled from there for riotous conduct and sent to Moscow. The story told about him at Count Rostóv’s was true. Pierre had taken part in tying a policeman to a bear. |
De retour depuis peu de jours, il s’était arrêté chez son père, comme d’habitude. Il supposait avec raison que son aventure devait être connue et que l’entourage féminin du comte, toujours hostile à son égard, ne manquerait pas de le monter contre lui. Malgré tout, il se rendit le jour même de son arrivée dans l’appartement de son père et s’arrêta, chemin faisant, dans le salon où se tenaient habituellement les princesses, pour leur dire bonjour. Deux d’entre elles faisaient de la tapisserie à un grand métier, tandis que la troisième, l’aînée, leur faisait une lecture à haute voix. Son maintien était sévère, sa personne soignée, mais la longueur de son buste sautait aux yeux : c’était celle qui avait feint d’ignorer la présence d’Anna Mikhaïlovna. Les cadettes, toutes deux fort jolies, ne se distinguaient l’une de l’autre que par un grain de beauté, qui était placé chez l’une juste au-dessus de la lèvre et qui la rendait fort séduisante. Pierre fut reçu comme un pestiféré. L’aînée interrompit sa lecture et fixa sur lui en silence des regards effrayés ; la seconde, celle qui était privée du grain de beauté, suivit son exemple ; la troisième, moqueuse et gaie, se pencha sur son ouvrage pour cacher de son mieux le sourire provoqué par la scène qui allait se jouer et qu’elle prévoyait. Elle piqua son aiguille dans le canevas et fit semblant d’examiner le dessin, en étouffant un éclat de rire. |
He had now been for some days in Moscow and was staying as usual at his father’s house. Though he expected that the story of his escapade would be already known in Moscow and that the ladies about his father—who were never favorably disposed toward him—would have used it to turn the count against him, he nevertheless on the day of his arrival went to his father’s part of the house. Entering the drawing room, where the princesses spent most of their time, he greeted the ladies, two of whom were sitting at embroidery frames while a third read aloud. It was the eldest who was reading—the one who had met Anna Mikháylovna. The two younger ones were embroidering: both were rosy and pretty and they differed only in that one had a little mole on her lip which made her much prettier. Pierre was received as if he were a corpse or a leper. The eldest princess paused in her reading and silently stared at him with frightened eyes; the second assumed precisely the same expression; while the youngest, the one with the mole, who was of a cheerful and lively disposition, bent over her frame to hide a smile probably evoked by the amusing scene she foresaw. She drew her wool down through the canvas and, scarcely able to refrain from laughing, stooped as if trying to make out the pattern. |
« Bonjour, ma cousine, dit Pierre, vous ne me reconnaissez pas ? |
“How do you do, cousin?” said Pierre. “You don’t recognize me?” |
– Je ne vous reconnais que trop bien, trop bien ! |
“I recognize you only too well, too well.” |
– Comment va le comte ? Puis-je le voir ? demanda Pierre avec sa gaucherie habituelle, mais sans témoigner d’embarras. |
“How is the count? Can I see him?” asked Pierre, awkwardly as usual, but unabashed. |
– Le comte souffre moralement et physiquement, et vous avez pris soin d’augmenter chez lui les souffrances de l’âme. |
“The count is suffering physically and mentally, and apparently you have done your best to increase his mental sufferings.” |
– Puis-je voir le comte ? répéta Pierre. |
“Can I see the count?” Pierre again asked. |
– Oh ! si vous voulez le tuer, le tuer définitivement, oui, vous le pouvez. Olga, va voir si le bouillon est prêt pour l’oncle ; c’est le moment, » ajouta-t-elle, pour faire comprendre à Pierre qu’elles étaient uniquement occupées à soigner leur oncle, tandis que lui, il ne pensait évidemment qu’à lui être désagréable. |
“Hm…. If you wish to kill him, to kill him outright, you can see him… Olga, go and see whether Uncle’s beef tea is ready—it is almost time,” she added, giving Pierre to understand that they were busy, and busy making his father comfortable, while evidently he, Pierre, was only busy causing him annoyance. |
Olga sortit. Pierre attendit un instant, et, après avoir examiné les deux sœurs : |
Olga went out. Pierre stood looking at the sisters; then he bowed and said: |
« Si c’est ainsi, dit-il en les saluant, je retourne chez moi, et vous me ferez savoir quand ce sera possible. » |
“Then I will go to my rooms. You will let me know when I can see him.” |
Il s’en alla, et la petite princesse au grain de beauté accompagna sa retraite d’un long éclat de rire. |
And he left the room, followed by the low but ringing laughter of the sister with the mole. |
Le prince Basile arriva le lendemain et s’installa dans la maison du comte. Il fit venir Pierre : |
Next day Prince Vasíli had arrived and settled in the count’s house. He sent for Pierre and said to him: |
« Mon cher, lui dit-il, si vous vous conduisez ici comme à Pétersbourg, vous finirez très mal : c’est tout ce que je puis vous dire. Le comte est dangereusement malade ; il est inutile que vous le voyiez. » |
“My dear fellow, if you are going to behave here as you did in Petersburg, you will end very badly; that is all I have to say to you. The count is very, very ill, and you must not see him at all.” |
À partir de ce moment, on ne s’inquiéta plus de Pierre, qui passait ses journées tout seul dans sa chambre du second étage. |
Since then Pierre had not been disturbed and had spent the whole time in his rooms upstairs. |
Lorsque Boris entra chez lui, Pierre marchait à grands pas, s’arrêtait dans les coins de l’appartement, menaçant la muraille de son poing fermé, comme s’il voulait percer d’un coup d’épée un ennemi invisible, lançant des regards furieux par-dessus ses lunettes et recommençant sa promenade en haussant les épaules avec force gestes et paroles entrecoupées. |
When Borís appeared at his door Pierre was pacing up and down his room, stopping occasionally at a corner to make menacing gestures at the wall, as if running a sword through an invisible foe, and glaring savagely over his spectacles, and then again resuming his walk, muttering indistinct words, shrugging his shoulders and gesticulating. |
« L’Angleterre a vécu ! disait-il en fronçant les sourcils et en dirigeant son index vers un personnage imaginaire. M. Pitt, traître à la nation et au droit des gens, est condamné à… » |
“England is done for,” said he, scowling and pointing his finger at someone unseen. “Mr. Pitt, as a traitor to the nation and to the rights of man, is sentenced to…” |
Il n’eut pas le temps de prononcer l’arrêt dicté par Napoléon, représenté en ce moment par Pierre. Il avait déjà traversé la Manche et pris Londres d’assaut, lorsqu’il vit entrer un jeune et charmant officier, à la tournure élégante. Il s’arrêta court. Pierre avait laissé Boris âgé de quatorze ans et ne se le rappelait plus ; malgré cela, il lui tendit la main en lui souriant amicalement, par suite de sa bienveillance naturelle. |
But before Pierre—who at that moment imagined himself to be Napoleon in person and to have just effected the dangerous crossing of the Straits of Dover and captured London—could pronounce Pitt’s sentence, he saw a well-built and handsome young officer entering his room. Pierre paused. He had left Moscow when Borís was a boy of fourteen, and had quite forgotten him, but in his usual impulsive and hearty way he took Borís by the hand with a friendly smile. |
« Vous ne m’avez pas oublié ? dit Boris, répondant à ce sourire. Je suis venu avec ma mère voir le comte, mais on dit qu’il est malade. |
“Do you remember me?” asked Borís quietly with a pleasant smile. “I have come with my mother to see the count, but it seems he is not well.” |
– Oui, on le dit ; on ne lui laisse pas une minute de repos, » reprit Pierre, qui se demandait à part lui quel était ce jeune homme. |
“Yes, it seems he is ill. People are always disturbing him,” answered Pierre, trying to remember who this young man was. |
Boris voyait bien qu’il ne le reconnaissait pas ; mais, trouvant qu’il était inutile de se nommer et n’éprouvant d’ailleurs aucun embarras, il le regardait dans le blanc des yeux. |
Borís felt that Pierre did not recognize him but did not consider it necessary to introduce himself, and without experiencing the least embarrassment looked Pierre straight in the face. |
« Le comte Rostow vous invite à venir dîner chez lui aujourd’hui, dit-il après un silence prolongé, qui commençait à devenir pénible pour Pierre. |
“Count Rostóv asks you to come to dinner today,” said he, after a considerable pause which made Pierre feel uncomfortable. |
– Ah ! le comte Rostow, s’écria Pierre joyeusement ; alors vous êtes son fils Élie. Figurez-vous que je ne vous reconnaissais pas. Vous rappelez-vous nos promenades aux montagnes des Oiseaux en compagnie de Mme Jacquot, il y a de cela longtemps ? |
“Ah, Count Rostóv!” exclaimed Pierre joyfully. “Then you are his son, Ilyá? Only fancy, I didn’t know you at first. Do you remember how we went to the Sparrow Hills with Madame Jacquot?… It’s such an age…” |
– Vous vous trompez, reprit Boris sans se presser et en souriant d’un air assuré et moqueur. Je suis Boris, le fils de la princesse Droubetzkoï. Le comte Rostow s’appelle Élie et son fils Nicolas, et je n’ai jamais connu de Mme Jacquot. » |
“You are mistaken,” said Borís deliberately, with a bold and slightly sarcastic smile. “I am Borís, son of Princess Anna Mikháylovna Drubetskáya. Rostóv, the father, is Ilyá, and his son is Nicholas. I never knew any Madame Jacquot.” |
Pierre secoua la tête et promena ses mains autour de lui, comme s’il voulait chasser des cousins ou des abeilles. |
Pierre shook his head and arms as if attacked by mosquitoes or bees. |
« Ah ! Dieu ! est-ce possible ? J’aurai tout confondu ; j’ai tant de parents à Moscou… Vous êtes Boris,… oui, c’est bien cela… enfin c’est débrouillé ! Voyons, que pensez-vous de l’expédition de Boulogne ? Les Anglais auront du fil à retordre, si Napoléon parvient seulement à traverser le détroit. Je crois l’entreprise possible,… pourvu que Villeneuve se conduise bien. » |
“Oh dear, what am I thinking about? I’ve mixed every thing up. One has so many relatives in Moscow! So you are Borís? Of course. Well, now we know where we are. And what do you think of the Boulogne expedition? The English will come off badly, you know, if Napoleon gets across the Channel. I think the expedition is quite feasible. If only Villeneuve doesn’t make a mess of things!” |
Boris, qui ne lisait pas les journaux, ne savait rien de l’expédition et entendait prononcer le nom de Villeneuve pour la première fois. |
Borís knew nothing about the Boulogne expedition; he did not read the papers and it was the first time he had heard Villeneuve’s name. |
« Ici, à Moscou, les dîners et les commérages nous occupent bien autrement que la politique, répondit-il d’un air toujours moqueur : je n’en sais absolument rien et je n’y pense jamais ! Il n’est question en ville que de vous et du comte. » |
“We here in Moscow are more occupied with dinner parties and scandal than with politics,” said he in his quiet ironical tone. “I know nothing about it and have not thought about it. Moscow is chiefly busy with gossip,” he continued. “Just now they are talking about you and your father.” |
Pierre sourit de son bon sourire, tout en ayant l’air de craindre que son interlocuteur ne laissât échapper quelque parole indiscrète ; mais Boris s’exprimait d’un ton sec et précis sans le quitter des yeux. |
Pierre smiled in his good-natured way as if afraid for his companion’s sake that the latter might say something he would afterwards regret. But Borís spoke distinctly, clearly, and dryly, looking straight into Pierre’s eyes. |
« Moscou n’a pas autre chose à faire ; chacun veut savoir à qui le comte léguera sa fortune, et qui sait s’il ne nous enterrera pas tous ? Pour ma part, je le lui souhaite de tout cœur ! |
“Moscow has nothing else to do but gossip,” Borís went on. “Everybody is wondering to whom the count will leave his fortune, though he may perhaps outlive us all, as I sincerely hope he will…” |
– Oui, c’est très pénible, très pénible, balbutia Pierre, qui continuait à redouter une question délicate pour lui. |
“Yes, it is all very horrid,” interrupted Pierre, “very horrid.” Pierre was still afraid that this officer might inadvertently say something disconcerting to himself. |
– Et vous devez croire, reprit Boris en rougissant légèrement, mais en conservant son maintien réservé, que chacun cherche également à obtenir une obole du millionnaire… |
“And it must seem to you,” said Borís flushing slightly, but not changing his tone or attitude, “it must seem to you that everyone is trying to get something out of the rich man?” |
– Nous y voilà ! pensa Pierre. |
“So it does,” thought Pierre. |
– Et je tiens justement à vous dire, pour éviter tout malentendu, que vous vous tromperiez singulièrement en nous mettant, ma mère et moi, au nombre de ces gens-là. Votre père est très riche, tandis que nous sommes très pauvres ; c’est pourquoi je ne l’ai jamais considéré comme un parent. Ni ma mère, ni moi, ne lui demanderons rien et n’accepterons jamais rien de lui ! » |
“But I just wish to say, to avoid misunderstandings, that you are quite mistaken if you reckon me or my mother among such people. We are very poor, but for my own part at any rate, for the very reason that your father is rich, I don’t regard myself as a relation of his, and neither I nor my mother would ever ask or take anything from him.” |
Pierre fut quelque temps avant de comprendre ; tout à coup il saisit vivement, et gauchement comme toujours, la main de Boris, et rougissant de confusion et de honte : |
For a long time Pierre could not understand, but when he did, he jumped up from the sofa, seized Borís under the elbow in his quick, clumsy way, and, blushing far more than Borís, began to speak with a feeling of mingled shame and vexation. |
« Est-ce possible ? s’écria-t-il, peut-on croire que je… ou que d’autres… ? |
“Well, this is strange! Do you suppose I… who could think?… I know very well…” |
But Borís again interrupted him. |
|
– Je suis bien aise de vous l’avoir dit ; excusez-moi. Si cela vous a été désagréable, je n’ai pas eu l’intention de vous offenser, continua Boris en rassurant Pierre, car les rôles étaient intervertis. J’ai pour principe d’être franc… Mais que dois-je répondre ? Viendrez-vous dîner chez les Rostow ?… » |
“I am glad I have spoken out fully. Perhaps you did not like it? You must excuse me,” said he, putting Pierre at ease instead of being put at ease by him, “but I hope I have not offended you. I always make it a rule to speak out…. Well, what answer am I to take? Will you come to dinner at the Rostóvs?” |
Et Boris, s’étant ainsi délivré d’un lourd fardeau et tiré d’une fausse situation en les passant à un autre, était redevenu charmant comme d’habitude. |
And Borís, having apparently relieved himself of an onerous duty and extricated himself from an awkward situation and placed another in it, became quite pleasant again. |
« Écoutez-moi, dit Pierre tranquillisé, vous êtes un homme étonnant. Ce que vous venez de faire est bien, très bien ! Vous ne me connaissez pas, c’est naturel… il y a si longtemps que nous ne nous étions vus… encore enfants… Donc, vous auriez pu supposer… je vous comprends très bien ; je ne l’aurais pas fait, je n’en aurais pas eu le courage, mais tout de même c’est parfait. Je suis enchanté d’avoir fait votre connaissance. C’est vraiment étrange, ajouta-t-il en souriant après un moment de silence, vous avez pu supposer que je… et il se mit à rire. – Enfin nous nous connaîtrons mieux, n’est-ce pas ? je vous en prie… » et il lui serra la main. Savez-vous que je n’ai pas vu le comte ? Il ne m’a pas fait demander… il me fait de la peine comme homme, mais que faire ?… Ainsi, vous croyez sérieusement que Napoléon aura le temps de faire passer la mer à son armée ? » Et Pierre se mit à développer les avantages et les désavantages de l’expédition de Boulogne. |
“No, but I say,” said Pierre, calming down, “you are a wonderful fellow! What you have just said is good, very good. Of course you don’t know me. We have not met for such a long time… not since we were children. You might think that I… I understand, quite understand. I could not have done it myself, I should not have had the courage, but it’s splendid. I am very glad to have made your acquaintance. It’s queer,” he added after a pause, “that you should have suspected me!” He began to laugh. “Well, what of it! I hope we’ll get better acquainted,” and he pressed Borís’ hand. “Do you know, I have not once been in to see the count. He has not sent for me… I am sorry for him as a man, but what can one do?” “And so you think Napoleon will manage to get an army across?” asked Borís with a smile. Pierre saw that Borís wished to change the subject, and being of the same mind he began explaining the advantages and disadvantages of the Boulogne expedition. |
Il en était là lorsqu’un domestique vint prévenir Boris que sa mère montait en voiture ; il prit congé de Pierre, qui lui promit, en lui serrant amicalement la main, d’aller dîner chez les Rostow. Il se promena longtemps encore dans sa chambre, mais cette fois sans s’escrimer contre des ennemis imaginaires ; il souriait et se sentait pris, sans doute à cause de sa grande jeunesse et de son complet isolement, d’une tendresse sans cause pour ce jeune homme intelligent et sympathique, et bien décidé à faire plus ample connaissance avec lui. Le prince Basile reconduisait la princesse, qui cachait dans son mouchoir son visage baigné de larmes. |
A footman came in to summon Borís—the princess was going. Pierre, in order to make Borís’ better acquaintance, promised to come to dinner, and warmly pressing his hand looked affectionately over his spectacles into Borís’ eyes. After he had gone Pierre continued pacing up and down the room for a long time, no longer piercing an imaginary foe with his imaginary sword, but smiling at the remembrance of that pleasant, intelligent, and resolute young man. As often happens in early youth, especially to one who leads a lonely life, he felt an unaccountable tenderness for this young man and made up his mind that they would be friends. Prince Vasíli saw the princess off. She held a handkerchief to her eyes and her face was tearful. |
« C’est affreux, c’est affreux, murmurait-elle, mais malgré tout je remplirai mon devoir jusqu’au bout. Je reviendrai pour le veiller ; on ne peut pas le laisser ainsi…, chaque seconde est précieuse. Je ne comprends pas ce que ses nièces attendent. Dieu aidant, je trouverai peut-être moyen de le préparer… Adieu, mon prince, que le bon Dieu vous soutienne ! |
“It is dreadful, dreadful!” she was saying, “but cost me what it may I shall do my duty. I will come and spend the night. He must not be left like this. Every moment is precious. I can’t think why his nieces put it off. Perhaps God will help me to find a way to prepare him I… Adieu, Prince! May God support you…” |
– Adieu, ma chère, » répondit négligemment le prince Basile. |
“Adieu, ma bonne,” answered Prince Vasíli, turning away from her. |
« Ah ! son état est terrible, dit la mère à son fils, à peine assise dans sa voiture ; il ne reconnaît personne. |
“Oh, he is in a dreadful state,” said the mother to her son when they were in the carriage. “He hardly recognizes anybody.” |
– Je ne puis, ma mère, me rendre compte de la nature de ses rapports avec Pierre. |
“I don't understand, Mamma—what is his attitude to Pierre?” asked the son. |
– Le testament dévoilera tout, mon ami, et notre sort en dépendra également. |
“The will will show that, my dear; our fate also depends on it.” |
– Mais qu’est-ce qui vous fait supposer qu’il nous laissera quelque chose ? |
“But why do you expect that he will leave us anything?” |
– Ah ! mon enfant, il est si riche, et nous sommes si pauvres ! |
“Ah, my dear! He is so rich, and we are so poor!” |
– Cette raison ne me paraît pas suffisante, je vous l’avoue, maman… |
“Well, that is hardly a sufficient reason, Mamma…” |
– Mon Dieu, mon Dieu, qu’il est malade ! » répétait la princesse. |
“Oh, Heaven! How ill he is!” exclaimed the mother. |