Le Monde perdu |
The Lost World |
de Arthur Conan Doyle |
by Arthur Conan Doyle |
Traduction par Louis Labat1913 |
1912 |
CHAPITRE IV |
CHAPTER IV |
« La plus grande chose qui soit au monde » |
"It's Just the very Biggest Thing in the World." |
Il l’avait à peine fermée que Mrs Challenger s’élançait avec fureur de la salle à manger, et, campée devant son mari, lui barrait le chemin, tel un jeune coq à un bouledogue. Je compris qu’elle m’avait vu sortir, mais non point rentrer. |
Hardly was it shut when Mrs. Challenger darted out from the dining-room. The small woman was in a furious temper. She barred her husband's way like an enraged chicken in front of a bulldog. It was evident that she had seen my exit, but had not observed my return. |
— Brute que vous êtes, George ! cria-t-elle ; vous avez blessé ce beau jeune homme ! |
"You brute, George!" she screamed. "You've hurt that nice young man." |
Il l’écarta du pouce. |
He jerked backwards with his thumb. |
— Le voici en parfaite santé derrière moi. |
"Here he is, safe and sound behind me." |
Alors, justement confuse : |
She was confused, but not unduly so. |
— Excusez-moi, je ne vous voyais pas, dit-elle. |
"I am so sorry, I didn't see you." |
— Je vous assure qu’il n’y a pas de quoi vous troubler, Madame. |
"I assure you, madam, that it is all right." |
— Mais il vous a marqué au visage ! Oui, George, vous êtes une brute ! Pas un jour de la semaine, avec vous, qui n’ait son scandale ! Vous ne cessez pas de provoquer la dérision et la haine ! Vous avez usé ma patience. Je me sens à bout ! |
"He has marked your poor face! Oh, George, what a brute you are! Nothing but scandals from one end of the week to the other. Everyone hating and making fun of you. You've finished my patience. This ends it." |
— Lavage de linge sale ! grommela-t-il. |
"Dirty linen," he rumbled. |
— Sur la voie publique ! répliqua-t-elle. Doutez-vous que toute la rue, autant dire tout Londres… laissez-nous, Austin, nous n’avons nul besoin de vous ici !… Doutez-vous que tout le monde n’en fasse des gorges chaudes ? Et votre dignité, y songez-vous ? Vous qui devriez professer dans une grande Université royale, entouré du respect de mille étudiants, songez-vous à votre dignité, George ? |
"It's not a secret," she cried. "Do you suppose that the whole street—the whole of London, for that matter—— Get away, Austin, we don't want you here. Do you suppose they don't all talk about you? Where is your dignity? You, a man who should have been Regius Professor at a great University with a thousand students all revering you. Where is your dignity, George?" |
— Et vous à la vôtre, ma chère ? |
"How about yours, my dear?" |
— L’épreuve excède mes forces. Toujours à brailler ! Toujours à quereller ! |
"You try me too much. A ruffian—a common brawling ruffian—that's what you have become." |
— Jessie !… |
"Be good, Jessie." |
— Toujours à faire le matamore ! |
"A roaring, raging bully!" |
— Allons ! cela suffit, trancha-t-il. En pénitence ! Sur la sellette ! |
"That's done it! Stool of penance!" said he. |
Il se pencha, cueillit la petite dame, et s’en fut, à ma profonde stupeur, l’asseoir, dans un coin du hall, sur un socle de marbre blanc, haut de sept pieds pour le moins, et si étroit qu’elle y tenait à peine en équilibre. Rien de plus absurde que le spectacle qu’elle offrait, ainsi exposée, le visage convulsé de colère, les pieds pendants, le corps raidi par la crainte d’une chute. |
To my amazement he stooped, picked her up, and placed her sitting upon a high pedestal of black marble in the angle of the hall. It was at least seven feet high, and so thin that she could hardly balance upon it. A more absurd object than she presented cocked up there with her face convulsed with anger, her feet dangling, and her body rigid for fear of an upset, I could not imagine. |
— Descendez-moi ! geignait-elle. |
"Let me down!" she wailed. |
— Dites : « Je vous prie. » |
"Say 'please.'" |
— Brute que vous êtes, George ! Descendez-moi tout de suite ! |
"You brute, George! Let me down this instant!" |
— Entrez dans mon cabinet, Monsieur Malone. |
"Come into the study, Mr. Malone." |
— Vraiment, Monsieur, implorai-je, regardant la dame. |
"Really, sir——!" said I, looking at the lady. |
— Monsieur Malone plaide pour vous ; dites : « Je vous prie », et je vous remets à terre. |
"Here's Mr. Malone pleading for you, Jessie. Say 'please,' and down you come." |
— Brute !… Je vous prie, je vous prie ! |
"Oh, you brute! Please! please!" |
Et il la descendit comme il eût fait un oiseau. |
He took her down as if she had been a canary. |
— Vous devriez savoir vous contenir, ma chère. Monsieur Malone est journaliste. Il ne manquera pas de rapporter ceci demain dans son chiffon, et l’on en vendra bien douze numéros de plus dans le quartier. Titre : « Une scène chez les gens du monde. » Sous-titre : « Coup d’œil sur un singulier ménage. » Car il est, ce Monsieur Malone, de l’espèce d’hommes qui vivent de détritus et d’immondices. Porcus exgrege diaboli : un porc du troupeau du diable. Pas vrai, hein, Monsieur Malone ? |
"You must behave yourself, dear. Mr. Malone is a Pressman. He will have it all in his rag to-morrow, and sell an extra dozen among our neighbors. 'Strange story of high life'—you felt fairly high on that pedestal, did you not? Then a sub-title, 'Glimpse of a singular ménage.' He's a foul feeder, is Mr. Malone, a carrion eater, like all of his kind—porcus ex grege diaboli—a swine from the devil's herd. That's it, Malone—what?" |
— Vous êtes vraiment intolérable, protestai-je. |
"You are really intolerable!" said I, hotly. |
Il beugla de rire. |
He bellowed with laughter. |
— Et pourtant, nous allons conclure, pas plus tard que tout de suite, une alliance ! Il regarda sa femme, me regarda, et tout à coup, changeant de ton : — Excusez ce badinage de famille, Monsieur Malone. Je vous ai rappelé pour un motif plus sérieux que de vous mêler à nos plaisanteries domestiques. Vous, la petite dame, filez vite, et ne vous faites pas de mauvais sang ! Il posa ses deux larges mains sur les épaules de sa femme. — Vous parlez comme la sagesse. Je vaudrais mieux que je ne vaux si je vous écoutais. Mais je ne serais pas tout à fait George-Édouard Challenger. Ma chère, il y a des tas de gens qui valent mieux que moi, mais il n’y a au monde qu’un seul G. E. C. À vous d’en tirer tout le parti possible ! Et il lui donna brusquement un baiser sonore, qui me gêna plus que ses violences. — À présent, Monsieur Malone, continua-t-il avec une soudaine hauteur, par ici, je vous prie. |
"We shall have a coalition presently," he boomed, looking from his wife to me and puffing out his enormous chest. Then, suddenly altering his tone, "Excuse this frivolous family badinage, Mr. Malone. I called you back for some more serious purpose than to mix you up with our little domestic pleasantries. Run away, little woman, and don't fret." He placed a huge hand upon each of her shoulders. "All that you say is perfectly true. I should be a better man if I did what you advise, but I shouldn't be quite George Edward Challenger. There are plenty of better men, my dear, but only one G.E.C. So make the best of him." He suddenly gave her a resounding kiss, which embarrassed me even more than his violence had done. "Now, Mr. Malone," he continued, with a great accession of dignity, "this way, if you please." |
Nous rentrâmes dans la chambre que dix minutes plus tôt nous avions si tumultueusement quittée ; il referma la porte avec soin, m’avança un fauteuil et me poussa sous le nez une boite de cigares. |
We re-entered the room which we had left so tumultuously ten minutes before. The Professor closed the door carefully behind us, motioned me into an arm-chair, and pushed a cigar-box under my nose. |
— De vrais « San Juan de Colorado », dit-il : c’est surtout aux gens excitables que conviennent les narcotiques. Ne mordez pas le bout, sapristi ! Coupez ! et coupez avec respect ! À présent, mettez-vous à l’aise dans ce fauteuil ; quoi que j’aie à vous dire, prêtez-moi les deux oreilles ; et quoi que vous pensiez, gardez pour plus tard vos réflexions. Si je vous ai ramené chez moi après vous en avoir à bon droit expulsé… Il tendit sa barbe d’un air qui, tout ensemble, appelait et défiait la contradiction. — … Après, dis-je, vous en avoir à bon droit expulsé, cherchez-en la cause dans la réponse que vous avez faite, au policeman. J’y crus voir luire des sentiments que je n’eusse pas attendu d’un journaliste. En réclamant la responsabilité de l’affaire, vous montriez un détachement, une largeur d’esprit, qui me disposèrent en votre faveur. La sous-espèce humaine à laquelle vous avez le malheur d’appartenir est toujours demeurée au-dessous de mon horizon : votre réponse vous fit passer au-dessus ; vous émergeâtes dans mon estime. C’est pourquoi je vous demandai de retourner avec moi, et pourquoi j’eus envie de faire avec vous plus ample connaissance. Veuillez jeter votre cendre dans le petit plateau japonais, là, sur la table de bambou, à votre gauche. |
"Real San Juan Colorado," he said. "Excitable people like you are the better for narcotics. Heavens! don't bite it! Cut—and cut with reverence! Now lean back, and listen attentively to whatever I may care to say to you. If any remark should occur to you, you can reserve it for some more opportune time. "First of all, as to your return to my house after your most justifiable expulsion"—he protruded his beard, and stared at me as one who challenges and invites contradiction—"after, as I say, your well-merited expulsion. The reason lay in your answer to that most officious policeman, in which I seemed to discern some glimmering of good feeling upon your part—more, at any rate, than I am accustomed to associate with your profession. In admitting that the fault of the incident lay with you, you gave some evidence of a certain mental detachment and breadth of view which attracted my favourable notice. The sub-species of the human race to which you unfortunately belong has always been below my mental horizon. Your words brought you suddenly above it. You swam up into my serious notice. For this reason I asked you to return with me, as I was minded to make your further acquaintance. You will kindly deposit your ash in the small Japanese tray on the bamboo table which stands at your left elbow." |
Il proféra ce discours du ton d’un professeur qui harangue toute une classe. Il avait manœuvré son siège mobile de façon à me confronter, et je le regardais, pantelant comme une gigantesque grenouille, la tête renversée, les yeux à demi clos par les paupières dédaigneuses. Brusquement, il se tourna de côté, je ne vis plus de lui qu’une chevelure en désordre, l’aile rouge d’une oreille et le va-et-vient d’un bras dans le fouillis des papiers sur la table. Quand de nouveau il me fit face, il tenait un objet qui avait l’air d’un album de croquis en très mauvais état. |
All this he boomed forth like a professor addressing his class. He had swung round his revolving-chair so as to face me, and he sat all puffed out like an enormous bull-frog, his head laid back, and his eyes half-covered by supercilious lids. Now he suddenly turned himself sideways, and all I could see of him was tangled hair with a red, protruding ear. He was scratching about among the litter of papers upon his desk. He faced me presently with what looked like a very tattered sketch-book in his hand. |
— Je vais, dit-il, vous parler du Sud-Amérique. Oh ! je vous en prie, pas d’observations. Et convenons avant tout de ceci : que rien de ce que vous allez entendre ne recevra une publicité quelconque sans mon autorisation expresse, laquelle, selon toute apparence, ne vous sera jamais donnée. C’est clair ? |
"I am going to talk to you about South America," said he. "No comments if you please. First of all, I wish you to understand that nothing I tell you now is to be repeated in any public way unless you have my express permission. That permission will, in all human probability, never be given. Is that clear?" |
— C’est dur. J’estime qu’une relation judicieuse… |
"It is very hard," said I. "Surely a judicious account——" |
Il remit l’album sur la table. |
He replaced the notebook upon the table. |
— Voilà qui clôt l’entretien. Bonjour. |
"That ends it," said he. "I wish you a very good morning." |
— Mais non ! me récriai-je, mais non ! J’accepte vos conditions, puisque aussi bien je n’ai pas le choix, il me semble. |
"No, no!" I cried. "I submit to any conditions. So far as I can see, I have no choice." |
— Vous ne l’avez pas le moins du monde. |
"None in the world," said he. |
— Alors, je promets. |
"Well, then, I promise." |
— Parole d’honneur ? |
"Word of honour?" |
— Parole. |
"Word of honour." |
Il me regarda, et je lus dans son regard un doute qui me faisait injure. |
He looked at me with doubt in his insolent eyes. |
— Mais la valeur de votre parole, qu’est-ce qui me la garantit, après tout ? |
"After all, what do I know about your honour?" said he. |
— En vérité, Monsieur, éclatai-je, vous passez les bornes. Jamais encore on ne m’a ainsi traité. |
"Upon my word, sir," I cried, angrily, "you take very great liberties! I have never been so insulted in my life." |
Mon indignation l’embarrassa moins qu’elle ne l’intéressa. |
He seemed more interested than annoyed at my outbreak. |
— Tête ronde, murmura-t-il, brachycéphale, yeux gris, cheveux noirs, une pointe de négroïde ; Celte, je présume ? |
"Round-headed," he muttered. "Brachycephalic, grey-eyed, black-haired, with suggestion of the negroid. Celtic, I presume?" |
— Je suis Irlandais, Monsieur. |
"I am an Irishman, sir." |
— Irlandais d’Irlande ? |
"Irish Irish?" |
— Oui, Monsieur. |
"Yes, sir." |
— Tout s’explique. Voyons, vous me promettez de garder pour vous ma confidence ? Elle sera d’ailleurs fort incomplète. Je m’en tiendrai à quelques indications. En premier lieu, vous devez savoir qu’il y a deux ans, je fis dans l’Amérique du Sud un voyage appelé à rester classique devant la science. Je me proposais de vérifier certaines conclusions de Wallace et de Bates, ce qui ne m’était possible qu’en observant les faits rapportés par eux dans des conditions identiques à celles où ils les avaient observés eux-mêmes. N’eût-elle pas eu d’autres conséquences, mon expédition eût déjà mérité l’attention. Mais il m’arriva là-bas un incident qui ouvrit une direction nouvelle à mes recherches. |
"That, of course, explains it. Let me see; you have given me your promise that my confidence will be respected? That confidence, I may say, will be far from complete. But I am prepared to give you a few indications which will be of interest. In the first place, you are probably aware that two years ago I made a journey to South America—one which will be classical in the scientific history of the world? The object of my journey was to verify some conclusions of Wallace and of Bates, which could only be done by observing their reported facts under the same conditions in which they had themselves noted them. If my expedition had no other results it would still have been noteworthy, but a curious incident occurred to me while there which opened up an entirely fresh line of inquiry. |
« Vous savez — ou, chose plus vraisemblable par ce temps de demi-éducation, vous ignorez — que certaines régions du bassin de l’Amazone ont encore partiellement échappé à l’explorateur, et que l’immense fleuve reçoit des quantités d’affluents dont certains n’ont jamais figuré sur la carte. Je visitai cet arrière-pays peu connu, j’en étudiai la faune, et elle me fournit les matériaux de plusieurs chapitres pour le monumental ouvrage de zoologie qui sera la consécration de ma carrière. Je m’en revenais, ayant accompli ma tâche, quand j’eus l’occasion de passer la nuit dans un petit village indien, à un endroit où l’un des tributaires de l’Amazone, dont je n’ai à préciser ni le nom ni le cours, se jette dans le fleuve. « Les indigènes appartenaient à cette race des Indiens Cucana, aussi accueillants que dégénérés et dont les facultés mentales dépassent à peine celle du Londonien authentique. Quelques guérisons opérées chemin faisant, le long du fleuve, m’avaient gagné leur considération ; et je ne m’étonnai donc pas d’apprendre, à mon retour, qu’ils m’attendaient avec impatience. Comprenant à leurs signes qu’il s’agissait d’un cas urgent, je suivis le chef jusqu’à l’une des huttes. Quand j’y entrai, le malade venait de mourir. Je constatai avec surprise que ce n’était pas un Indien, mais un blanc, et même un blanc des plus blancs, car il avait des cheveux filasse et présentait toutes les caractéristiques de l’albinos. Ses vêtements en loques, son effrayante maigreur trahissaient de longues misères. Les indigènes ne le connaissaient pas. Ils l’avaient vu à travers les bois se traîner jusqu’au village, seul, et dans un état d’absolu épuisement. |
"You are aware—or probably, in this half-educated age, you are not aware—that the country round some parts of the Amazon is still only partially explored, and that a great number of tributaries, some of them entirely uncharted, run into the main river. It was my business to visit this little-known back-country and to examine its fauna, which furnished me with the materials for several chapters for that great and monumental work upon zoology which will be my life's justification. I was returning, my work accomplished, when I had occasion to spend a night at a small Indian village at a point where a certain tributary—the name and position of which I withhold—opens into the main river. The natives were Cucama Indians, an amiable but degraded race, with mental powers hardly superior to the average Londoner. I had effected some cures among them upon my way up the river, and had impressed them considerably with my personality, so that I was not surprised to find myself eagerly awaited upon my return. I gathered from their signs that someone had urgent need of my medical services, and I followed the chief to one of his huts. When I entered I found that the sufferer to whose aid I had been summoned had that instant expired. He was, to my surprise, no Indian, but a white man; indeed, I may say a very white man, for he was flaxen-haired and had some characteristics of an albino. He was clad in rags, was very emaciated, and bore every trace of prolonged hardship. So far as I could understand the account of the natives, he was a complete stranger to them, and had come upon their village through the woods alone and in the last stage of exhaustion. |
« Son havresac gisait près de sa couche. J’eus la curiosité de l’examiner. À l’intérieur, une petite bande de toile portait son nom et son adresse : « Maple White, Lake avenue, Détroit, Michigan. » Monsieur, l’on me verra toujours prêt à me découvrir devant ce nom de Maple White. Je n’exagère pas en disant qu’il égalera le mien quand la gloire fera équitablement entre nous le départ des titres. |
"The man's knapsack lay beside the couch, and I examined the contents. His name was written upon a tab within it—Maple White, Lake Avenue, Detroit, Michigan. It is a name to which I am prepared always to lift my hat. It is not too much to say that it will rank level with my own when the final credit of this business comes to be apportioned. |
« Un artiste et un poète, en quête de sujets l’un et l’autre, tel était sûrement l’inconnu, dont le bagage ne me laissa aucun doute à cet égard. Il y avait là des fragments de poèmes, et sans faire profession de critique, j’avoue qu’ils me parurent vraiment dénués de mérite ; il s’y trouvait aussi des peintures médiocres, représentant des paysages de rivière, une boite de couleurs, une boite de pastels, quelques pinceaux, cet os recourbé que vous voyez sur mon écritoire, un volume des Vers et Papillons de Baxter, un revolver de pacotille et quelques cartouches. Comme effets personnels, ou cet étrange bohémien ne possédait rien, ou il avait tout perdu dans son voyage. |
"From the contents of the knapsack it was evident that this man had been an artist and poet in search of effects. There were scraps of verse. I do not profess to be a judge of such things, but they appeared to me to be singularly wanting in merit. There were also some rather commonplace pictures of river scenery, a paint-box, a box of coloured chalks, some brushes, that curved bone which lies upon my inkstand, a volume of Baxter's 'Moths and Butterflies,' a cheap revolver, and a few cartridges. Of personal equipment he either had none or he had lost it in his journey. Such were the total effects of this strange American Bohemian. |
« J’allais m’éloigner quand, d’une poche de son veston en lambeaux, je crus voir sortir quelque chose. Et c’était l’album que voici, déjà aussi peu présentable ; car on ne saurait, je vous assure, avoir plus de soins respectueux pour une édition princeps de Shakespeare que je n’en ai, moi, pour cette relique, depuis qu’un hasard l’a mise dans mes mains. Je vous demande, Monsieur, de prendre un instant ces pages, de les feuilleter, de les examiner une à une. » |
"I was turning away from him when I observed that something projected from the front of his ragged jacket. It was this sketch-book, which was as dilapidated then as you see it now. Indeed, I can assure you that a first folio of Shakespeare could not be treated with greater reverence than this relic has been since it came into my possession. I hand it to you now, and I ask you to take it page by page and to examine the contents." |
Et s’étant offert un cigare, Challenger se pencha, farouchement attentif à l’impression qu’allait produire sur moi le document. |
He helped himself to a cigar and leaned back with a fiercely critical pair of eyes, taking note of the effect which this document would produce. |
J’ouvris le volume, un peu dans l’attente d’un révélation, sans imaginer d’ailleurs de quelle espèce elle pourrait être. La première page me désappointa : elle ne comprenait que le portrait d’un gros homme en vareuse, avec cette légende : « Jimmy Colver sur le paquebot-poste. » Des croquis d’Indiens, des scènes indiennes remplissaient ensuite plusieurs pages. Puis venait le portrait d’un jovial et corpulent ecclésiastique, en chapeau à larges bords, assis en face d’un Européen très maigre : « Lunch avec Fra Cristofero, à Rosario », disait la légende. Après cela, des études de femmes et d’enfants ; une série ininterrompue de dessins d’animaux, avec des légendes telles que : « Manate sur banc de sable » ; « Tortues et leurs œufs » ; « Agouti noir sous un palmier miriti » (et le dessin représentait un animal assez semblable au cochon domestique). Enfin, deux pages où l’on voyait d’affreux sauriens à longs museaux, ainsi que je le déclarai au professeur. |
I had opened the volume with some expectation of a revelation, though of what nature I could not imagine. The first page was disappointing, however, as it contained nothing but the picture of a very fat man in a pea-jacket, with the legend, "Jimmy Colver on the Mail-boat," written beneath it. There followed several pages which were filled with small sketches of Indians and their ways. Then came a picture of a cheerful and corpulent ecclesiastic in a shovel hat, sitting opposite a very thin European, and the inscription: "Lunch with Fra Cristofero at Rosario." Studies of women and babies accounted for several more pages, and then there was an unbroken series of animal drawings with such explanations as "Manatee upon Sandbank," "Turtles and Their Eggs," "Black Ajouti under a Miriti Palm"—the matter disclosing some sort of pig-like animal; and finally came a double page of studies of long-snouted and very unpleasant saurians. I could make nothing of it, and said so to the Professor. |
— Ce ne sont, évidemment, que des crocodiles ? |
"Surely these are only crocodiles?" |
— Des alligators, Monsieur ! des alligators ! Il n’y a pas de véritables crocodiles dans le Sud-Amérique. On distingue les uns des autres… |
"Alligators! Alligators! There is hardly such a thing as a true crocodile in South America. The distinction between them——" |
— Je veux dire que je n’aperçois rien de singulier là dedans, rien qui justifie votre enthousiasme. |
"I meant that I could see nothing unusual—nothing to justify what you have said." |
Il sourit d’un air candide. |
He smiled serenely. |
— Tournez la page. |
"Try the next page," said he. |
Mais je n’arrivai pas à comprendre. Je voyais une sorte de pochade, une de ces larges ébauches par quoi les peintres de plein air préparent souvent le paysage définitif. Des masses vert pâle de végétation penniforme partaient de l’avant-plan, pour s’élever jusqu’à une ligne de falaises rouge sombre, bizarrement cannelées, dont l’aspect me rappelait certaines formations basaltiques ; et la muraille ininterrompue de ces falaises, frangée d’une mince ligne de verdure, barrait l’horizon. À un certain endroit, se dressait un roc pyramidal, empanaché d’un grand arbre et qui semblait séparé de la roche principale par une crevasse. Sur tout cela, s’étendait le ciel bleu des tropiques. |
I was still unable to sympathize. It was a full-page sketch of a landscape roughly tinted in color—the kind of painting which an open-air artist takes as a guide to a future more elaborate effort. There was a pale-green foreground of feathery vegetation, which sloped upwards and ended in a line of cliffs dark red in color, and curiously ribbed like some basaltic formations which I have seen. They extended in an unbroken wall right across the background. At one point was an isolated pyramidal rock, crowned by a great tree, which appeared to be separated by a cleft from the main crag. Behind it all, a blue tropical sky. A thin green line of vegetation fringed the summit of the ruddy cliff. On the next page was another water-colour wash of the same place, but much nearer, so that one could clearly see the details. |
— Eh bien ? demanda Challenger. |
"Well?" he asked. |
— Eh bien, je crois que voilà une curieuse formation ; mais je me connais trop peu en géologie pour me permettre de la juger extraordinaire. |
"It is no doubt a curious formation," said I, "but I am not geologist enough to say that it is wonderful." |
— Extraordinaire ? dites unique. Dites incroyable. Qui jamais eût rêvé pareille chose ? Tournez la page, à présent. |
"Wonderful!" he repeated. "It is unique. It is incredible. No one on earth has ever dreamed of such a possibility. Now the next." |
Je tournai la page, et je m’exclamai. Songe d’opiomane, vision de cerveau en délire, j’avais sous les yeux la bête la plus fantastique : tête d’oiseau de proie, corps de lézard ventru, longue queue hérissée de piquants, échine courbe surmontée d’une haute dentelure, ou plus exactement, d’une douzaine de crêtes comme celles des coqs, plantées à la file. Devant l’animal, se tenait une sorte de fantôme ou de nain à forme humaine qui le contemplait, ébahi. |
I turned it over, and gave an exclamation of surprise. There was a full-page picture of the most extraordinary creature that I had ever seen. It was the wild dream of an opium smoker, a vision of delirium. The head was like that of a fowl, the body that of a bloated lizard, the trailing tail was furnished with upward-turned spikes, and the curved back was edged with a high serrated fringe, which looked like a dozen cocks' wattles placed behind each other. In front of this creature was an absurd mannikin, or dwarf, in human form, who stood staring at it. |
— Eh bien, qu’en pensez-vous ? s’écria le professeur, en se frottant les mains. |
"Well, what do you think of that?" cried the Professor, rubbing his hands with an air of triumph. |
— Que c’est monstrueux, grotesque ! |
"It is monstrous—grotesque." |
— Comment donc, à votre avis, le peintre a-t-il pu figurer une pareille bête ? |
"But what made him draw such an animal?" |
— Sous l’influence du gin, peut-être. |
"Trade gin, I should think." |
— Vous n’avez rien de mieux comme explication ? |
"Oh, that's the best explanation you can give, is it?" |
— Vous, Monsieur, en avez-vous une autre ? |
"Well, sir, what is yours?" |
— Moi, j’estime que cette bête existe, et que l’artiste l’a dessinée d’après nature. |
"The obvious one that the creature exists. That it is actually sketched from the life." |
J’aurais pouffé, n’eût été la crainte salutaire d’une nouvelle culbute dans le corridor. |
I should have laughed only that I had a vision of our doing another Catharine-wheel down the passage. |
— Sans doute, sans doute, fis-je, comme on donne raison à un fou. Je confesse pourtant, ajoutai-je, que ce minuscule personnage m’intrigue. Si c’était un Indien, il attesterait, à la rigueur, l’existence d’une race pygmée en Amérique. Mais on dirait un Européen en chapeau de planteur. |
"No doubt," said I, "no doubt," as one humours an imbecile. "I confess, however," I added, "that this tiny human figure puzzles me. If it were an Indian we could set it down as evidence of some pigmy race in America, but it appears to be a European in a sun-hat." |
Le professeur renifla comme un buffle en colère. |
The Professor snorted like an angry buffalo. |
— Admirable ! dit-il. Vraiment, en fait de paralysie cérébrale, d’inertie mentale, vous touchez à la limite ! Vous élargissez le champ du possible ! Admirable ! |
"You really touch the limit," said he. "You enlarge my view of the possible. Cerebral paresis! Mental inertia! Wonderful!" |
À quoi bon se fâcher ? Avec un être aussi absurde, il eût fallu s’épuiser en fâcheries. J’eus un sourire de lassitude. — Cet homme, dis-je, me semblait bien petit. |
He was too absurd to make me angry. Indeed, it was a waste of energy, for if you were going to be angry with this man you would be angry all the time. I contented myself with smiling wearily. "It struck me that the man was small," said I. |
— Regardez par ici, cria-t-il, penché sur la peinture, la sabrant d’un gros doigt rond et velu. Voyez-vous, derrière l’animal, cette plante ? Vous la preniez pour un pissenlit, je suppose ? On pour un chou de Bruxelles ? Ou pour quoi encore ? Eh bien, c’est un arbre, le phitéléphas ou palmier à ivoire, susceptible de croître à la hauteur de cinquante ou de soixante pieds. Ne comprenez-vous pas que ce personnage, à cette place, a une raison d’être ? Dans la réalité, l’artiste, placé devant la bête, n’y fût pas resté vivant pour la peindre. S’il s’y est représenté lui-même, c’est pour l’échelle. Mettons qu’il mesurât un peu plus de cinq pieds de haut : l’arbre a dix fois cette taille, ce qui donne bien la proportion. |
"Look here!" he cried, leaning forward and dabbing a great hairy sausage of a finger on to the picture. "You see that plant behind the animal; I suppose you thought it was a dandelion or a Brussels sprout—what? Well, it is a vegetable ivory palm, and they run to about fifty or sixty feet. Don't you see that the man is put in for a purpose? He couldn't really have stood in front of that brute and lived to draw it. He sketched himself in to give a scale of heights. He was, we will say, over five feet high. The tree is ten times bigger, which is what one would expect." |
— Juste ciel ! m’écriai-je, vous pensez donc que cet animal… Mais alors, la gare de Charing Cross lui suffirait à peine comme niche ? |
"Good heavens!" I cried. "Then you think the beast was—— Why, Charing Cross station would hardly make a kennel for such a brute!" |
— Toute exagération à part, il est incontestable que voilà un spécimen bien venu, dit le professeur avec complaisance. |
"Apart from exaggeration, he is certainly a well-grown specimen," said the Professor, complacently. |
— Mais, objectai-je, après avoir tourné les dernières feuilles et m’être assuré qu’il ne restait plus rien dans l’album, vous n’allez pas, vous, un savant, faire table rase de toute la connaissance humaine, sur la foi d’une esquisse trouvée dans le bagage d’un aventurier américain, et peut-être due au haschich, à la fièvre, ou, simplement, au caprice d’une imagination fantasque ? |
"But," I cried, "surely the whole experience of the human race is not to be set aside on account of a single sketch"—I had turned over the leaves and ascertained that there was nothing more in the book—"a single sketch by a wandering American artist who may have done it under hashish, or in the delirium of fever, or simply in order to gratify a freakish imagination. You can't, as a man of science, defend such a position as that." |
Pour toute réponse, le professeur prit un livre sur un rayon. |
For answer the Professor took a book down from a shelf. |
— L’excellente monographie que voici, œuvre d’un homme de grand mérite, mon ami Ray Lankester, contient une planche qui doit vous intéresser. Là, tenez, j’y suis. Elle a pour légende : « Aspect probable du Stégosaure dinosaurien jurassique. » À elle seule, la patte de derrière mesure deux fois la taille d’un homme adulte, Qu’en dites-vous ? |
"This is an excellent monograph by my gifted friend, Ray Lankester!" said he. "There is an illustration here which would interest you. Ah, yes, here it is! The inscription beneath it runs: 'Probable appearance in life of the Jurassic Dinosaur Stegosaurus. The hind leg alone is twice as tall as a full-grown man.' Well, what do you make of that?" |
Il me tendit le livre. J’écarquillai les yeux en regardant l’image. Cette reconstitution d’un monstre préhistorique offrait une extrême ressemblance avec l’esquisse de l’artiste inconnu. |
He handed me the open book. I started as I looked at the picture. In this reconstructed animal of a dead world there was certainly a very great resemblance to the sketch of the unknown artist. |
— C’est évidemment très curieux : dis-je. |
"That is certainly remarkable," said I. |
— N’admettez-vous pas que c’est concluant ? |
"But you won't admit that it is final?" |
— Peut-être n’y a-t-il là qu’une coïncidence. Peut-être votre Américain aura-t-il vu quelque image de ce genre qui l’aura frappé. On conçoit que plus tard elle lui soit revenue dans le délire. |
"Surely it might be a coincidence, or this American may have seen a picture of the kind and carried it in his memory. It would be likely to recur to a man in a delirium." |
— Parfait, dit le professeur avec indulgence, n’en parlons plus. Mais veuillez regarder cet os. Je regardai. L’os qu’il me présentait, long d’environ six pouces, large d’environ deux doigts, et gardant encore à l’une de ses extrémités quelques fragments desséchés de cartilages, était le même qu’il m’avait signalé comme faisant partie des biens du mort. |
"Very good," said the Professor, indulgently; "we leave it at that. I will now ask you to look at this bone." He handed over the one which he had already described as part of the dead man's possessions. It was about six inches long, and thicker than my thumb, with some indications of dried cartilege at one end of it. |
— À quel animal connu attribueriez-vous cet os ? demanda-t-il. |
"To what known creature does that bone belong?" asked the Professor. |
Je tâchai de rappeler à moi quelques notions fort lointaines. — On dirait une très grosse clavicule humaine, hasardai-je. |
I examined it with care and tried to recall some half-forgotten knowledge. "It might be a very thick human collar-bone," I said. |
Le professeur eut un geste de mépris et d’adjuration. |
My companion waved his hand in contemptuous deprecation. |
— La clavicule humaine est courbe. Cet os est droit. Et il est creusé d’une rainure dans laquelle a dû jouer un tendon. Rien de commun avec la clavicule. |
"The human collar-bone is curved. This is straight. There is a groove upon its surface showing that a great tendon played across it, which could not be the case with a clavicle." |
— Alors, j’avoue mon ignorance. |
"Then I must confess that I don't know what it is." |
— Inutile d’en rougir : toute la presse de South Kensington n’en sait pas davantage. Il tira d’une petite boîte un osselet gros comme une fève. — Autant que je puis croire, cet osselet, qui est d’un homme, correspond à l’os que vous tenez, et qui est d’une bête : évaluez là-dessus la dimension de la bête. Et prenez garde que l’os n’est pas un os fossile, mais un os récemment dépouillé, à preuve les fragments de cartilage qui y adhèrent encore. Qu’en pensez-vous ? |
"You need not be ashamed to expose your ignorance, for I don't suppose the whole South Kensington staff could give a name to it." He took a little bone the size of a bean out of a pill-box. "So far as I am a judge this human bone is the analogue of the one which you hold in your hand. That will give you some idea of the size of the creature. You will observe from the cartilege that this is no fossil specimen, but recent. What do you say to that?" |
— Eh bien, mais qu’un éléphant… |
"Surely in an elephant——" |
Il eut un sursaut de révolte. |
He winced as if in pain. |
— Parler d’éléphant à propos du Sud-Amérique ! Même en ce siècle de primaires… |
"Don't! Don't talk of elephants in South America. Even in these days of Board schools——" |
— Alors, dis-je, quelque grand animal de là-bas… un tapir par exemple. |
"Well, I interrupted, "any large South American animal—a tapir, for example." |
— Vous admettrez, jeune homme, que je possède à fond les éléments du problème. Cet os ne saurait donc provenir, sachez-le, ni d’un tapir, ni d’aucun animal classé en zoologie. Il provient d’un animal très grand, très fort, et, selon toute présomption, très féroce, qui existe quelque part sur la terre, mais que la science n’a pas encore inventorié. Êtes-vous toujours sceptique ? |
"You may take it, young man, that I am versed in the elements of my business. This is not a conceivable bone either of a tapir or of any other creature known to zoology. It belongs to a very large, a very strong, and, by all analogy, a very fierce animal which exists upon the face of the earth, but has not yet come under the notice of science. You are still unconvinced?" |
— Je suis du moins, profondément intéressé. |
"I am at least deeply interested." |
— À la bonne heure ! Il y a un peu d’espoir dans votre cas. Au fond de vous, la raison veille. Nous allons, lentement, patiemment, essayer d’atteindre jusqu’à elle. Je laisse mon artiste américain et poursuis mon récit. Vous entendez bien que je ne pouvais abandonner l’Amazone sans avoir approfondi ma découverte. On savait à peu près de quelle direction était venu le mort. Des légendes indiennes auraient suffi à me guider, car une tradition commune à toutes les tribus riveraines attestaient l’existence d’un pays étrange. Vous avez sans doute entendu parler de Curipiri ? |
"Then your case is not hopeless. I feel that there is reason lurking in you somewhere, so we will patiently grope round for it. We will now leave the dead American and proceed with my narrative. You can imagine that I could hardly come away from the Amazon without probing deeper into the matter. There were indications as to the direction from which the dead traveller had come. Indian legends would alone have been my guide, for I found that rumours of a strange land were common among all the riverine tribes. You have heard, no doubt, of Curupuri?" |
— Jamais. |
"Never." |
— Curipiri, c’est l’esprit des bois, un être malfaisant, terrible, et qu’il faut éviter. Nul ne sait exactement sa forme ni sa nature. Mais rien qu’à l’entendre nommer, on tremble d’un bout à l’autre de l’Amazone. Les tribus s’accordent toutes à placer dans la même direction le séjour de Curipiri ; et cette direction était celle d’où arrivait l’Américain. Il y avait par là un redoutable mystère : je me devais de l’éclaircir. |
"Curupuri is the spirit of the woods, something terrible, something malevolent, something to be avoided. None can describe its shape or nature, but it is a word of terror along the Amazon. Now all tribes agree as to the direction in which Curupuri lives. It was the same direction from which the American had come. Something terrible lay that way. It was my business to find out what it was." |
— Que fîtes-vous ? J’avais rabattu de mon assurance. Cet homme massif imposait l’attention et le respect. |
"What did you do?" My flippancy was all gone. This massive man compelled one's attention and respect. |
— Je sus vaincre la répugnance des indigènes, répugnance telle, à cet égard, qu’elle va jusqu’à leur fermer la bouche ; et par la persuasion, par des cadeaux judicieux, en y ajoutant parfois, je le concède, la menace du recours à la force, j’obtins que deux d’entre eux me servissent de guides. Après des aventures sur lesquelles je passe, au cours d’un trajet plus ou moins long, dans une direction que je n’ai pas à faire connaître, nous abordâmes enfin une région qui jamais n’a été décrite, ni d’ailleurs jamais été visitée, que par mon infortuné prédécesseur. Ayez l’obligeance de jeter un coup d’œil sur ceci. |
"I overcame the extreme reluctance of the natives—a reluctance which extends even to talk upon the subject—and by judicious persuasion and gifts, aided, I will admit, by some threats of coercion, I got two of them to act as guides. After many adventures which I need not describe, and after travelling a distance which I will not mention, in a direction which I withhold, we came at last to a tract of country which has never been described, nor, indeed, visited save by my unfortunate predecessor. Would you kindly look at this?" |
Il me montrait une photographie du format 10 × 16. |
He handed me a photograph—half-plate size. |
— L’aspect défectueux de cette épreuve tient à ce qu’en descendant la rivière, notre bateau chavira, et la caisse contenant les films non développés se brisa. La plupart des films furent gâtés. Je subis de ce fait une perte irréparable, presque un désastre. Cependant, je sauvai partiellement quelques photographies, celle-ci entre autres ; et vous voudrez bien accepter cette explication de l’état dans lequel je vous la présente. On a parlé de maquillage : je ne me sens pas en humeur de discuter une pareille allégation. |
"The unsatisfactory appearance of it is due to the fact," said he, "that on descending the river the boat was upset and the case which contained the undeveloped films was broken, with disastrous results. Nearly all of them were totally ruined—an irreparable loss. This is one of the few which partially escaped. This explanation of deficiencies or abnormalities you will kindly accept. There was talk of faking. I am not in a mood to argue such a point." |
La photographie, très décolorée, avait de plus, un « flou » qu’une critique mal intentionnée pouvait interpréter à sa guise. Elle représentait un morne et terne paysage où je discernai, en l’examinant bien, une plaine étageant ses arbres jusqu’à une ligne de hautes falaises qui donnaient, exactement, l’impression d’une immense cataracte vue à distance. |
The photograph was certainly very off-colored. An unkind critic might easily have misinterpreted that dim surface. It was a dull gray landscape, and as I gradually deciphered the details of it I realized that it represented a long and enormously high line of cliffs exactly like an immense cataract seen in the distance, with a sloping, tree-clad plain in the foreground. |
— L’endroit me paraît le même que dans l’esquisse de Maple White. |
"I believe it is the same place as the painted picture," said I. |
— C’est en effet le même. J’y découvris des traces du campement de l’artiste. Regardez ceci, maintenant. |
"It is the same place," the Professor answered. "I found traces of the fellow's camp. Now look at this." |
C’était le même paysage encore, vu de plus près. La photographie, bien que très mauvaise, laissait nettement se détacher sur la masse principale l’aiguille rocheuse couronnée de son arbre. |
It was a nearer view of the same scene, though the photograph was extremely defective. I could distinctly see the isolated, tree-crowned pinnacle of rock which was detached from the crag. |
— Décidément, je ne doute plus, dis-je. |
"I have no doubt of it at all," said I. |
— Autant de gagné ! répondit Challenger. Nous avançons, n’est-ce pas ? Faites-moi le plaisir d’examiner cette aiguille rocheuse. N’y remarquez-vous rien ? |
"Well, that is something gained," said he. "We progress, do we not? Now, will you please look at the top of that rocky pinnacle? Do you observe something there?" |
— Un grand arbre. |
"An enormous tree." |
— Et sur l’arbre ? |
"But on the tree?" |
— Un grand oiseau. |
"A large bird," said I. |
Il me tendit une loupe. |
He handed me a lens. |
— Oui, dis-je, l’œil collé au verre, il y a sur l’arbre un grand oiseau à bec très long, dans le genre d’un pélican. |
"Yes," I said, peering through it, "a large bird stands on the tree. It appears to have a considerable beak. I should say it was a pelican." |
— Compliments pour votre clairvoyance. Mais ce n’est pas un pélican. Ni un oiseau, du reste. C’est un animal dont vous saurez peut-être avec intérêt que je réussis à tuer le pareil. Grâce à quoi je rapportai une preuve, une preuve unique, sans doute, mais absolue, de mes découvertes. |
"I cannot congratulate you upon your eyesight," said the Professor. "It is not a pelican, nor, indeed, is it a bird. It may interest you to know that I succeeded in shooting that particular specimen. It was the only absolute proof of my experiences which I was able to bring away with me." |
— Vous l’avez donc ? |
"You have it, then?" Here at last was tangible corroboration. |
— Je l’aurais si, par malheur, ce magnifique spécimen n’avait subi le sort de mes photographies et péri dans mon naufrage. Je parvins à le saisir comme il allait disparaître dans les tourbillons des rapides ; et il m’en resta dans la main un fragment d’aile. Quand le flot me déposa inanimé sur la berge, je tenais encore entre mes doigts le misérable débris que je place devant vous. |
"I had it. It was unfortunately lost with so much else in the same boat accident which ruined my photographs. I clutched at it as it disappeared in the swirl of the rapids, and part of its wing was left in my hand. I was insensible when washed ashore, but the miserable remnant of my superb specimen was still intact; I now lay it before you." |
Il sortit d’un tiroir un os courbe, long de deux pieds pour le moins, et d’où pendait une membrane. Je pensai que cela pouvait être la partie supérieure de l’aile d’une monstrueuse chauve-souris ; et je le dis au professeur. |
From the drawer he produced what seemed to me to be the upper portion of the wing of a large bat. It was at least two feet in length, a curved bone, with a membranous veil beneath it. "A monstrous bat!" I suggested. |
— Allons donc ! fit-il d’un ton de réprimande. Je vis dans une sphère où je n’aurais jamais soupçonné que l’on connût si peu les premiers principes de la zoologie. Comment ignorez-vous cette élémentaire vérité d’anatomie comparée, que l’aile de l’oiseau constitue un avant-bras, au lieu que celle de la chauve-souris se compose de trois doigts espacés entre eux et reliés par des membranes ? Dans le cas qui nous occupe, l’os n’a certainement rien d’un avant-bras et ne saurait provenir d’un oiseau ; vous observerez d’autre part qu’il ne saurait provenir d’une chauve-souris, puisqu’il est seul et pourvu d’une seule membrane. Si donc il ne provient ni d’un oiseau, ni d’une chauve-souris, quelle en est la provenance ? |
"Nothing of the sort," said the Professor, severely. "Living, as I do, in an educated and scientific atmosphere, I could not have conceived that the first principles of zoology were so little known. Is it possible that you do not know the elementary fact in comparative anatomy, that the wing of a bird is really the forearm, while the wing of a bat consists of three elongated fingers with membranes between? Now, in this case, the bone is certainly not the forearm, and you can see for yourself that this is a single membrane hanging upon a single bone, and therefore that it cannot belong to a bat. But if it is neither bird nor bat, what is it?" |
J’avais épuisé mon petit stock de connaissances. |
My small stock of knowledge was exhausted. |
— Je ne sais pas, dis-je. |
"I really do not know," said I. |
Il ouvrit le volume auquel il s’était déjà référé, et me montrant une planche : |
He opened the standard work to which he had already referred me. |
— Le monstre ailé que voici représente le dimordophon ou ptérodactyle, reptile volant de la période jurassique. Tournez la page, vous y trouverez un diagramme du mécanisme de son aile. Et comparez avec le fragment que vous tenez. |
"Here," said he, pointing to the picture of an extraordinary flying monster, "is an excellent reproduction of the dimorphodon, or pterodactyl, a flying reptile of the Jurassic period. On the next page is a diagram of the mechanism of its wing. Kindly compare it with the specimen in your hand." |
Un coup d’œil me suffit. La surprise entraîna la conviction. Je cédais à la concordance des preuves. L’esquisse de Maple White, les photographies, le récit, le fragment d’aile, tout cela formait un ensemble complet de démonstration. Je le dis à Challenger. Je le lui dis avec chaleur, parce que je sentais qu’on se conduisait mal envers cet homme. Il se renversa sur sa chaise, et, les paupières basses, un sourire indulgent au coin des lèvres, il sembla prendre un bain de soleil. |
A wave of amazement passed over me as I looked. I was convinced. There could be no getting away from it. The cumulative proof was overwhelming. The sketch, the photographs, the narrative, and now the actual specimen—the evidence was complete. I said so—I said so warmly, for I felt that the Professor was an ill-used man. He leaned back in his chair with drooping eyelids and a tolerant smile, basking in this sudden gleam of sunshine. |
— Vous venez de me révéler des choses fantastiques ! m’écriai-je avec un enthousiasme de journaliste où la science n’entrait que pour une faible part. C’est colossal. Moderne Christophe Colomb, vous avez retrouvé un monde perdu. Si j’ai montré quelque doute, je le regrette ; je sais, du moins — et peut-on me demander plus ? — reconnaître, quand elle se produit, l’évidence. |
"It's just the very biggest thing that I ever heard of!" said I, though it was my journalistic rather than my scientific enthusiasm that was roused. "It is colossal. You are a Columbus of science who has discovered a lost world. I'm awfully sorry if I seemed to doubt you. It was all so unthinkable. But I understand evidence when I see it, and this should be good enough for anyone." |
Le professeur eut un ron-ron satisfait. |
The Professor purred with satisfaction. |
— Mais ensuite, monsieur, que fîtes-vous ensuite ? |
"And then, sir, what did you do next?" |
— La saison humide était venue, et mes provisions touchaient à leur fin, Monsieur Malone. Je longeai un certain temps le gigantesque mur, cherchant sans le découvrir un coin d’escalade. Le roc pyramidal au-dessus duquel j’aperçus et tirai le ptérodactyle, était plus accessible. D’ailleurs les rocs me connaissent, et je gravis celui-là. Du sommet, j’embrassai nettement le plateau sur les falaises. Il semblait très étendu ; à l’est comme à l’ouest, il allongeait indéfiniment ses perspectives de verdure. En bas, une région de marais et de broussailles, hantée par les serpents, les insectes et la fièvre, fait une barrière de défense naturelle à ce singulier pays. |
"It was the wet season, Mr. Malone, and my stores were exhausted. I explored some portion of this huge cliff, but I was unable to find any way to scale it. The pyramidal rock upon which I saw and shot the pterodactyl was more accessible. Being something of a cragsman, I did manage to get half way to the top of that. From that height I had a better idea of the plateau upon the top of the crags. It appeared to be very large; neither to east nor to west could I see any end to the vista of green-capped cliffs. Below, it is a swampy, jungly region, full of snakes, insects, and fever. It is a natural protection to this singular country." |
— Le ptérodactyle fut-il pour vous la seule forme sous laquelle la vie s’y manifesta ? |
"Did you see any other trace of life?" |
— La seule, Monsieur ; mais durant la semaine où nous restâmes campés sous la falaise, nous entendîmes des bruits très étranges au dessus. |
"No, sir, I did not; but during the week that we lay encamped at the base of the cliff we heard some very strange noises from above." |
— Et l’animal dessiné par Maple White ? |
"But the creature that the American drew? How do you account for that?" |
— Maple White ne put le rencontrer que sur le plateau. Donc, un chemin pour y atteindre existe. Et ce chemin est sans conteste très difficile, pour avoir empêché les animaux de descendre et de se répandre dans la région à l’entour. C’est clair, j’imagine. |
"We can only suppose that he must have made his way to the summit and seen it there. We know, therefore, that there is a way up. We know equally that it must be a very difficult one, otherwise the creatures would have come down and overrun the surrounding country. Surely that is clear?" |
— Mais comment se trouve-t-il là ? |
"But how did they come to be there?" |
— Je n’y vois qu’une explication, et très simple. L’Amérique du Sud est, comme vous l’aurez peut-être entendu dire, un continent granitique. Sur le point qui nous intéresse, un immense et brusque soulèvement volcanique a dû se produire en des temps très lointains. Ces falaises sont de basalte, et par conséquent de formation ignée. Une superficie de terrain aussi vaste que le Sussex, par exemple, aura été soulevée en bloc, avec tout ce qu’elle contenait de vivant, et coupée du reste du continent par des précipices perpendiculaires. La dureté des parois les rendant inattaquables, il en résulte que sur le plateau, les lois ordinaires de la nature se trouvent suspendues. Les différentes influences qui régissent ailleurs la lutte pour l’existence sont ici neutralisées ou modifiées. Des créatures y survivent qui, sans cela, disparaîtraient. Vous observerez que le ptérodactyle et le stégosore appartiennent à la période jurassique, l’une des plus anciennes dans l’ordre de la vie. Ils doivent à ces bizarres conditions accidentelles le fait de s’y être artificiellement conservés. |
"I do not think that the problem is a very obscure one," said the Professor; "there can only be one explanation. South America is, as you may have heard, a granite continent. At this single point in the interior there has been, in some far distant age, a great, sudden volcanic upheaval. These cliffs, I may remark, are basaltic, and therefore plutonic. An area, as large perhaps as Sussex, has been lifted up en bloc with all its living contents, and cut off by perpendicular precipices of a hardness which defies erosion from all the rest of the continent. What is the result? Why, the ordinary laws of Nature are suspended. The various checks which influence the struggle for existence in the world at large are all neutralized or altered. Creatures survive which would otherwise disappear. You will observe that both the pterodactyl and the stegosaurus are Jurassic, and therefore of a great age in the order of life. They have been artificially conserved by those strange accidental conditions." |
— Pourquoi, ayant des preuves si décisives, ne pas les soumettre aux juges compétents ? |
"But surely your evidence is conclusive. You have only to lay it before the proper authorities." |
— J’y ai bien pensé, naïf que j’étais ! fit le professeur avec amertume. Sachez seulement qu’aux premiers mots, je ne rencontrai partout que l’incrédulité, la sottise et l’envie. Je n’ai pas le goût des courbettes, Monsieur, et je ne cherche pas à prouver quand on a mis en doute ma parole. Une fois me suffit pour m’ôter tout désir de produire des preuves aussi décisives, en effet, que celles que je possède. Le sujet me devint odieux. Je refusai d’en parler. Quand des hommes comme vous, qui représentent la curiosité du public dans ce qu’elle a d’imbécile, venaient troubler ma retraite, je ne savais pas les recevoir avec une réserve digne. Je suis, j’en conviens, très vif de caractère, et, pour peu qu’on m’y pousse, enclin à la violence. Vous avez dû le remarquer. |
"So, in my simplicity, I had imagined," said the Professor, bitterly. "I can only tell you that it was not so, that I was met at every turn by incredulity, born partly of stupidity and partly of jealousy. It is not my nature, sir, to cringe to any man, or to seek to prove a fact if my word has been doubted. After the first I have not condescended to show such corroborative proofs as I possess. The subject became hateful to me—I would not speak of it. When men like yourself, who represent the foolish curiosity of the public, came to disturb my privacy I was unable to meet them with dignified reserve. By nature I am, I admit, somewhat fiery, and under provocation I am inclined to be violent. I fear you may have remarked it." |
Je me frottai l’œil en silence. |
I nursed my eye and was silent. |
— Cela m’a valu bien des remontrances de ma femme. Mais tout homme d’honneur sentirait comme moi. Ce soir, pourtant, je veux affirmer par un bel exemple le pouvoir de la volonté sur les facultés émotives. Acceptez donc cette invitation. Et il me remit une carte prise sur la table. — Comme vous le verrez, M. Percival Waldron, le naturaliste populaire, doit faire, ce soir, à huit heures trente, dans la grande salle de l’Institut Zoologique, une conférence sur les Époques Terrestres. On me demande de figurer sur l’estrade et de proposer une adresse de remerciements en l’honneur du conférencier. J’aurai soin d’émettre à cette occasion quelques remarques d’ailleurs pleines de tact, mais susceptibles d’intéresser l’assistance et d’éveiller chez certains le désir d’aller un peu plus au cœur de la question. Rien d’agressif, vous m’entendez bien ; de quoi indiquer simplement qu’elle garde des profondeurs inexplorées. Je me tiendrai fortement la bride. Ainsi verrai-je si, en me domptant moi-même, j’obtiens un meilleur résultat. |
"My wife has frequently remonstrated with me upon the subject, and yet I fancy that any man of honour would feel the same. To-night, however, I propose to give an extreme example of the control of the will over the emotions. I invite you to be present at the exhibition." He handed me a card from his desk. "You will perceive that Mr. Percival Waldron, a naturalist of some popular repute, is announced to lecture at eight-thirty at the Zoological Institute's Hall upon 'The Record of the Ages.' I have been specially invited to be present upon the platform, and to move a vote of thanks to the lecturer. While doing so, I shall make it my business, with infinite tact and delicacy, to throw out a few remarks which may arouse the interest of the audience and cause some of them to desire to go more deeply into the matter. Nothing contentious, you understand, but only an indication that there are greater deeps beyond. I shall hold myself strongly in leash, and see whether by this self-restraint I attain a more favourable result." |
— Et je puis venir ? |
"And I may come?" I asked eagerly. |
— Mais sans doute. Il montrait à présent une sorte d’enjouement énorme, de cordialité massive, presque aussi impressionnante chez lui que la violence. Et ce fut une chose extraordinaire que le sourire de bienveillance qui arrondit tout d’un coup ses joues, comme deux pommes vermeilles, entre ses yeux mi-clos et sa grande barbe noire. — De toute façon, venez. La présence d’un allié dans la salle, si désarmé, si parfaitement ignorant que je le sache, me soutiendra. Il y aura, je présume, beaucoup de monde, car Waldron, tout charlatan qu’il est, a une clientèle considérable. Mais je vous ai donné plus de temps que je ne pensais, Monsieur Malone. Nul n’a le droit de monopoliser ce qui appartient à tout le monde. Je vous verrai volontiers à la séance de ce soir. Quant aux renseignements que vous tenez de moi, il est entendu que vous n’en ferez aucun usage. |
"Why, surely," he answered, cordially. He had an enormously massive genial manner, which was almost as overpowering as his violence. His smile of benevolence was a wonderful thing, when his cheeks would suddenly bunch into two red apples, between his half-closed eyes and his great black beard. "By all means, come. It will be a comfort to me to know that I have one ally in the hall, however inefficient and ignorant of the subject he may be. I fancy there will be a large audience, for Waldron, though an absolute charlatan, has a considerable popular following. Now, Mr. Malone, I have given you rather more of my time than I had intended. The individual must not monopolize what is meant for the world. I shall be pleased to see you at the lecture to-night. In the meantime, you will understand that no public use is to be made of any of the material that I have given you." |
— Cependant, mon chef de service, Mr. Mc Ardle, ne manquera pas de me questionner. |
"But Mr. McArdle—my news editor, you know—will want to know what I have done." |
— Dites-lui ce qui vous passera par la tête, et notamment ceci, dont vous pouvez certifier l’évidence, que, s’il m’envoie un autre de vos confrères, je reconduirai l’importun à coups de cravache. Mais je me fie à vous pour que rien de ce que je vous ai dit ne soit imprimé. Allons, à ce soir, huit heures trente, grande salle de l’Institut Zoologique. Il me congédiait du geste. Et j’emportai la vision d’un ballonnement de joues rouges entre une barbe bleue onduleuse et deux yeux intolérants. |
"Tell him what you like. You can say, among other things, that if he sends anyone else to intrude upon me I shall call upon him with a riding-whip. But I leave it to you that nothing of all this appears in print. Very good. Then the Zoological Institute's Hall at eight-thirty to-night." I had a last impression of red cheeks, blue rippling beard, and intolerant eyes, as he waved me out of the room. |